C’
est un parfum d’enfance qui ne s’oublie pas. Le saladier de fruits au sirop qui venait clore les repas du dimanche midi permettait, tout en restant derrière son assiette, de voyager vers les vergers du Sud de la France. Tout juste sorties de leur boîte de conserve, les pêches au jaune-orange éclatant assuraient une petite touche chaude et ensoleillée aux tablées. Au cœur de l’hiver, il était ainsi possible, le temps d’un dessert, de rejoindre la douceur septentrionale.
C’est un peu toute la magie promise par les conserves qui est ainsi résumée. Sous le couvercle, c’est finalement bien plus qu’un simple produit de consommation qui se cache. On y trouve de quoi se restaurer, bien sûr, un mets dont les propriétés sont préservées par l’appertisation, mais on découvre aussi un petit bout de France ou d’ailleurs, et une forme d’aventure d’un nouveau genre. Que se cache-t-il derrière la boîte ? Vers quelle destination vous invite-t-elle ? Laissez-vous tenter et… ouvrez-là ! Vous découvrirez alors que les conserves ont la capacité de nous entraîner dans une promenade immobile, portés par les sens et la gastronomie. Là, ces pêches au sirop qui nous propulsent dans les vergers, sous le soleil, avec en fond sonore, le doux chant des cigales… Ici les boîte des sardines joliment décorées, autant de petits bouts de Bretagne dans les placards de nos cuisines, qui apportent avec elles un vent frais iodé et l’authenticité des paysages maritimes armoricains.
Le développement de la conserve a permis de sauvegarder certains pans du patrimoine culinaire menacés.
DE NOUVEAUX MARCHES POUR LES CONSERVERIES
Chili con carne, risotto ou foie gras… Au fond, quel que soit le plat, l’invitation vers son terroir d’origine n’est jamais loin. C’est d’ailleurs l’une des clés du succès de ces conserves, qui ont su séduire les consommateurs désireux d’ajouter une touche d’exotisme dans leurs assiettes. Mieux : le développement de la conserve a permis de sauvegarder certains pans du patrimoine culinaire menacés. Mettre « sous boîte » certains plats emblématiques de nos régions les a, du même coup, préservés. Cette boîte a en effet rendu possible leur diffusion et leur promotion sur l’ensemble de l’Hexagone, et même à l’échelle internationale. Ce faisant, elle a offert de nouveaux marchés aux producteurs, mais aussi aux conserveries qui s’étaient installées au fil des ans sur ces mêmes terroirs.
Le développement de la conserverie dès le XIXe siècle assurera la mise en place d’une économie locale structurée.
On observe d’ailleurs dès le début du XXe siècle le recours aux conserves à des fins de préservation du patrimoine culinaire. C’était le temps où l’andouillette aux lentilles, les bécasses rôties ou le petit-salé au chou étaient particulièrement prisés des fins gourmets. Un autre mets avait, lui, déjà réussi à prendre un temps d’avance : la sardine. Le développement de la conserverie dès le XIXe siècle assurera la mise en place d’une économie locale structurée (tout particulièrement en Bretagne) autour de ce poisson, et avec elle la diffusion progressive d’une production identifiée géographiquement.
DU FOIE GRAS POUR TOUTES LES TABLES
Mais c’est surtout après la Second Guerre mondiale que les saveurs des terroirs connaîtront la plus large diffusion hors de leurs propres frontières. L’usage des conserves se développe alors parmi la population et avec lui la possibilité d’introduire de nouvelles expériences culinaires. Une expansion qui va notamment profiter au cassoulet. L’emblème du Sud-Ouest a été mis en boîte par Raynal et Roquelaure dès 1876. L’entreprise saura saisir la vague de démocratisation des conserves dans les années 50 pour élargir son champ de diffusion. La marque trouvera différents moyens de gagner en popularité. Elle sera distribuée dans les grands magasins, et fera même partie de la caravane du tour de France en 1954.
L’appertisation a donné l’opportunité à une large part de la population hexagonale de découvrir et déguster régulièrement cette production raffinée.
Cette diffusion croissante des spécialités régionales aura une autre conséquence : elle permettra de rendre accessibles des mets autrefois réservés à une élite. Un processus de démocratisation qui a touché la bisque, la truffe, mais aussi et surtout le foie gras. L’appertisation a donné l’opportunité à une large part de la population hexagonale de découvrir et déguster régulièrement cette production raffinée. Elle a aussi eu un autre mérite : propulser le foie gras au rang d’ambassadeur de l’art culinaire français, bien au-delà de nos frontières.